Appel à communication

Expérience(s) et économie

Experience and experiments in economics

 (Date limite de soumission des propositions : 15 avril 2018, possibilité de soumettre une proposition étendue au 4 mai 2018)

Le 17e colloque international de l’Association Charles Gide pour l’Étude de la Pensée Économique se tiendra à l’Université de Lorraine, Faculté de droit, sciences économiques et gestion de Nancy, du 27 au 29 septembre 2018. Cette manifestation est organisée par le Bureau d’Économie Théorique et Appliquée (BETA, UMR 7522 du CNRS).

Ce colloque international proposera des sessions sur le thème « Expérience(s) et Économie ». Il accueillera également des communications portant sur l’ensemble des thèmes relevant de l’histoire de la pensée et de la philosophie économique.

Chaque proposition comportera 1000 mots au maximum. Des propositions de sessions sont bienvenues, dans la limite des 2000 mots en précisant les titres de contributions et le(s) nom(s) de leur(s) auteur(s) ainsi que leurs coordonnées.

Par ailleurs, les présentations pourront donner lieu à soumission pour publication à la revue Oeconomia History, Methodology, Philosophy dans le cadre de l'édition d'un numéro spécial.

 

Dates à retenir

Les propositions et/ou textes complets doivent être déposés avant le 15 avril 2018 (date limite étendue au 4 mai 2018) sur le site de la conférence : http://gide2018.sciencesconf.org. Les auteurs des propositions retenues devront faire parvenir le texte définitif de leur communication avant le 31 Août 2018.

Les inscriptions seront ouvertes du 15 Août au 20 septembre 2018.

 

Appel à communication

Les termes d’expérience, d’expériences, d’expérimentation ou d’expérimental sont désormais entrés dans le langage courant des économistes mais leurs significations précises restent parfois ambiguës. Les controverses récentes, en France, autour du caractère expérimental ou non de la « science » économique ont d’ailleurs montré, s’il en était besoin, l’importance de la question qui engage la représentation que les économistes se font de leur discipline, de ses fondements comme de sa portée et du statut épistémologique des énoncés qu’elle produit. L’objet du colloque de l’Association Charles Gide pour l’étude de l’histoire de la pensée économique « expérience(s) et économie » est d’interroger le sens qu’a pu revêtir, au cours de l’histoire de la discipline, la ou les notions d’expérience(s).

Adopter une perspective historique et méthodologique permettra de caractériser les originalités et les permanences de la situation actuelle au regard de l’histoire selon que l’on se réfère à l’expérience comme une manière d’acquérir des connaissances, comme un ensemble de connaissances, comme une observation de faits naturels ou provoqués, comme une épreuve destinée à valider des hypothèses ou même, et de manière plus large, comme l’utilisation des expériences de pensée ou des expériences historiques.

Une première vision de l’histoire de l’expérience en économie y verrait une invention de la théorie économique d’après-guerre. Dans ce cadre, ce serait les premières expériences de Chamberlin menées à Harvard sur la concurrence imparfaite, puis celles de Allais sur la théorie de l’utilité espérée lors du colloque de Paris et celles de Kuhn et Tucker sur l’équilibre Nash qui seraient fondatrices de l’irruption d’une méthodologie expérimentale en économie contre les tenants d’une position orthodoxe comme celle de Samuelson (« we cannot perform the controlled experiments of the chemist or biologist. Like the astronomer we must be content largely to observe » (Economics, 1948) ou de Wallis et Friedman (1942). La méthode expérimentale est ensuite systématisée, dans les années 1970 et 1980, par l’économie expérimentale et comportementale (V. Smith, D. Kahneman ou A. Roth) autour des expériences de laboratoire ou des expériences naturelles. Par ailleurs, on se doit de noter le développement de méthodes de simulation ou de modèles multi-agents dont les rapports avec l’expérience sont complexes.

Certes, cette histoire récente de l’expérience - au sens d’expérimental – qui prend le pas sur toutes les autres significations du terme est intéressante mais ne doit pas faire oublier des débats plus anciens. En effet, le rapport à l’expérience taraude depuis longtemps les réflexions économiques. Qu’il suffise ici de citer Richard Cantillon qui, dans son Essai sur la nature du commerce en général (1755), recourt à de nombreuses reprises à l’évidence de « l’expérience ordinaire… » ou Adam Smith qui utilise largement le terme d’expérience pour « faire voir » et pour justifier ses jugements, ou encore Condillac pour qui l’expérience joue un rôle de premier plan dans la genèse de la connaissance, cette expérience pouvant d’ailleurs être, à la manière de Galilée avant lui, une « expérience de pensée ». Sous l’effet du développement des sciences expérimentales, le XIXe s. sera une étape importante de l’évolution de la notion d’expérience(s) en économie. A quelques années de distance, Augustin Cournot et John Stuart Mill la considèrent attentivement. Pour l’un, « l’économie politique est l’hygiène et la pathologie du corps social : elle reconnaît pour guide l’expérience ou plutôt l’observation ; la sagacité d’un esprit supérieur peut même devancer les résultats de l’expérience » (Cournot, Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses, 1838, Chapitre 1, §5), thèse qui trouvera sa postérité chez Walras. À l’inverse, on trouve chez John Stuart Mill la thèse selon laquelle il y a « une propriété commune à presque toutes les sciences morales » qui les distingue des sciences physiques : il n’est « pas en notre pouvoir d’y faire des expériences » (John Stuart Mill, On the Definition of Political Economy (And on the Method of Investigation Proper to it), 1836). Cet interdit pèsera lourd et on le retrouve exprimé, presqu’à l’identique, un siècle plus tard dans les Economics de Samuelson. Si les deux positions semblent diverger, c’est que le terme même d’expérience a évolué et ne renvoie plus aux mêmes significations, ce dont témoigne la langue anglaise qui distingue « experience » et « experiment ». L’expérience traverse la discipline au XIXe s sous des formes diverses et parfois sous-estimées que l’on songe, par exemple, aux nombreux écrits sur les expériences utopiques, aux oppositions sur la place et le rôle de l’expérience entre économistes pourtant reconnus par la postérité comme proches tels que Walras – qui disait aimer « beaucoup les économistes de l’école expérimentale “quand ils sont polis”, comme disait la duchesse de Fleury à Napoléon » - et Pareto ; ou encore, et dans un registre différent, à Francis Galton testant empiriquement la sagesse des foules (« Vox Populi », 1907).

Ce n’est que progressivement que l’intérêt des économistes pour l’expérience comme expérimentation s’affirmera. Dès les années 1920, on trouve les premières tentatives d’importation de la méthode expérimentale en économie – notamment à Harvard et à Berkeley –, importation qu’un auteur comme Mitchell appelait de ses vœux lors de son discours au congrès annuel de l’American Economic Association de 1924. Parallèlement, de nombreux débats auront également cours en utilisant des rhétoriques liées à l’expérience, axées par exemple sur les expériences historiques comme l’expérience de la planification.

Sans exclusive d’auteurs ou d’époque, le colloque permettra de discuter du thème expérience(s) et économie sous ses multiples dimensions. On pourra ainsi s’interroger sur les différentes significations du terme chez différents auteurs ou école et/ou à travers le temps. Ceci pourra conduire à mieux comprendre les frontières, en économie, de ce terme polysémique (expérience comme source de connaissance, expérience comme ensemble de connaissances, expérience comme preuve, rôle épistémique des expériences de pensée ou des expériences historiques). Ceci pourra permettre également de mieux en saisir les usages (modalité d’administration de la preuve, usages pédagogiques, rhétoriques, politiques). Des contributions portant sur des expériences économiques particulières, telles que le système de Law au début du XVIIIe s. ou les expériences utopiques au XIXe s., et le rôle qu’elles ont joué dans l’histoire de la pensée et/ou des représentations sont évidemment les bienvenues.

Enfin, les contributions qui s’interrogeraient sur les particularités de(s) l’expérience(s) en économie comparée(s) à d’autres disciplines empiriques ou expérimentales (biologie, physique, psychologie expérimentale, philosophie expérimentale, experimental jurisprudence) auront également toute leur place.

Comme les années précédentes, certaines sessions seront ouvertes aux contributions en dehors du thème Expérience(s) et économie.

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